Le plaidoyer de la diaspora égyptienne sur Instagram pour la dématérialisation du renouvellement de la carte nationale d’identité
Nadine Loza
Photo prise par l’auteure
En septembre 2020, l’Egypt Diaspora Initiative (EDI) a mené une campagne fructueuse pour la mise en place du renouvellement de la carte d'identité nationale égyptienne en tant que service consulaire permanent accessible partout dans le monde, sur fond de nécessité croissante pour les pays d'étendre, d'exporter ou d' « émigrer » les services publics à distance et électroniques à leurs citoyens vivant à l'étranger.
Hébergé sur le réseau social Instagram, l'EDI est un groupe virtuel indépendant et inclusif composé de plus de 50 000 migrants égyptiens dans le monde. Depuis 2017, il constitue une source d'informations, un forum de débat, un réseau de soutien et un catalyseur de changement, abordant les questions d'ordre théorique et pratique qui touchent la diaspora égyptienne.
Parmi toutes les demandes reçues par l'EDI, celles concernant les cartes d'identité sont parmi les plus fréquentes. Nécessaire pour la délivrance d'un passeport, la participation aux élections, l'enregistrement des biens immobiliers, les transactions bancaires ainsi que pour la majorité des démarches administratives en rapport avec l'Égypte, une carte d'identité valide constitue l'outil indispensable permettant d'attester de la citoyenneté égyptienne.
Avant la pandémie, le renouvellement d’une carte d’identité égyptienne se révélait être un défi de longue haleine. Il fallait contacter le consulat le plus proche pour déclarer vouloir bénéficier de ce service, puis attendre l'enregistrement d'au moins 500 demandes, après quoi un comité du département de l'état civil égyptien se rendait sur place pour instruire les demandes. La carte était ensuite délivrée huit semaines plus tard. En comparaison, les Égyptiens en Égypte peuvent présenter une demande de renouvellement à tout moment (en personne ou via une ligne téléphonique ou le portail officiel du service public électronique) et obtenir leur nouvelle carte d'identité en vingt-quatre heures seulement.
La restriction des déplacements imposée par la COVID-19 a entraîné la suspension totale et indéfinie du déploiement des missions de délivrance de cartes d'identité à l'étranger. Or, la demande de cartes d'identité a non seulement persisté mais s'est multipliée, car les émigrés qui auraient normalement fait leur demande lors de leur séjour en Égypte ont reporté leurs déplacements. Face à l'intensification du problème, l'EDI a proposé en août 2020 aux décideurs politiques, de mettre en place une hotline ou un portail consulaire. Il a également réalisé un sondage en ligne qui a révélé que 90 % des personnes interrogées estimaient que les ressortissants non-résidents devaient se voir proposer une autre méthode de renouvellement.
Figure 1. Capture d’écran d’un post d’EDI
Nos efforts pour trouver une solution ont porté leurs fruits : les Égyptiens à l'étranger ont rapidement obtenu le droit de renouveler leur carte d'identité directement auprès des ambassades et consulats égyptiens, et ce tout au long de l'année. Cette avancée prometteuse a permis aux personnes ne vivant pas à proximité de ces sites d'organiser leur déplacement à leur convenance, sans devoir se plier aux contraintes d'une brève période d'accès durant laquelle un comité était présent. L'élimination de la contrainte temporelle et la rationalisation de la procédure, qui peut désormais être partiellement effectuée par courrier, ont contribué au respect des mesures de distanciation physique, les risques de files d'attente ou de concentration de personnes étant réduits au minimum.
La pandémie a dévoilé à quel point il était urgent de mieux préparer les consulats aux situations de crise par l'investissement dans les méthodes de dématérialisation et de numérisation. Cependant, même en dehors d'une situation d'urgence, la rapidité de l'ère numérique elle-même exige des circuits de réponse plus rapides de la part des consulats. La mise en place de solutions plus flexibles, à distance et virtuelles, fondées sur des technologies agiles, évolutives et tournées vers les besoins des utilisateurs, permettra de fournir des services adaptés aux situations et aux demandes évolutives.
La dématérialisation pourrait en outre améliorer les services consulaires en augmentant leur efficacité et en réduisant leurs coûts. En Égypte, trois tarifs différents sont proposés pour le renouvellement d'une carte d'identité, en fonction de la rapidité du traitement et à partir de l'équivalent de 2 dollars. En comparaison, les Égyptiens vivant à l’étranger doivent s'acquitter d'un montant fixe d'environ 80 dollars.
La possibilité de fournir des services consulaires par voie électronique est toujours à l'étude car il faut tenir compte d'un certain nombre de facteurs, notamment l'authentification et le développement d'une infrastructure numérique sécurisée. Afin de refléter la gamme innovante et pratique du système interne de prestation de services publics égyptien primé, tout futurs projets de services publics électroniques destinés à la diaspora devront également être assortis de formules équivalentes.
Figure 2. Capture d’écran d’un post d’EDI.
L'article 36 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, de 1963, à laquelle l'Égypte a adhéré en 1965, porte sur la communication entre les États d'envoi et leurs ressortissants en vue de faciliter l'exercice des fonctions consulaires.
Dans le contexte actuel, cela implique le renforcement des flux de retour d'information, la co-conception des stratégies et l'amélioration continue des services publics électroniques sur la base des évaluations. L'une des principales préoccupations tient au fait que les services consulaires ne disposent pas d'une compréhension intuitive et factuelle de la perception des services par les citoyens, de sorte que les expériences et les opinions non quantifiables doivent être prises en compte au même titre que les statistiques et les données. L'implication précoce des principaux concernés permettra de s'assurer que les projets de dématérialisation sont envisagés du point de vue du citoyen et non comme un simple projet de modernisation.
Le lancement du service public électronique pour les émigrés présente un intérêt en termes de rapidité, de coût et de communication, mais ne constitue pas toujours la meilleure option de prestation de services. L'adaptation à long terme de tous les consulats sera facilitée par un dialogue transparent, permanent, multilatéral et multicanal entre les parties concernées, ainsi que par la comparaison des meilleures pratiques.
Nadine Loza est la directrice et fondatrice de l'Egypt Diaspora Initiative, dont l'objectif est de soulever des questions présentant un intérêt pour les Égyptiens vivant à l'étranger et d'exprimer leurs préoccupations ; d'établir un lien étroit entre les communautés égyptiennes du monde entier et d'Égypte, au-delà des appartenances politiques et religieuses, de l'âge et du sexe, et ce sans but lucratif ; et de renforcer la solidarité des Égyptiens de la diaspora envers l'Égypte.
Vous pouvez contacter l’EDI par mail à egyptdiasporainitiative@gmail.com ou sur Instagram @egyptdiasporainitiative.
Cet article fait partie du numéro "Renforcer les Capacités des Diasporas Mondiales dans l'Ère Numérique", une collaboration entre Routed Magazine et iDiaspora. Les opinions exprimées dans cette publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) ou de Routed Magazine.
Nous reconnaissons également l'importante contributions importantes de l'équipe de promotion et de communication : Achille Versaevel, Fiona Buchanan, Lena Hartz, Malin Evertsz Mendez, Margaret Koudelkova et Shaddin Almasri. Enfin, nous tenons à remercier le travail de traduction en français réalisé par Catherine Meunier, Elisabeth Loua, François Lesegretain, Anaïs Fournier, Aurianne Ortais et Chloé Bianéis.